dimanche 20 février 2011

La société totalitaire de consommation

Libéralisme : doctrine socio-économique prônant un système dans lequel l'état intervient au minimum dans la vie économique et sociale. Le marché des biens et services règne comme seul maître ; la "main invisible", métaphore de sa supposée auto-organisation, s'attache à huiler les rouages et équilibrer l'ensemble. Chaque individu est réduit au statut d'agent économique pour lequel tout est échange marchand.

Le système libéral se drape sous la liberté individuelle (liberté d'entreprendre, liberté de se planter et d'être miséreux, malade, liberté totale des échanges libérés de toute morale ou éthique puisque seules les règles du marché sont appelées à régner).

La réalité est tout autre : il installe un système totalitaire marchand, et l'instille au sein des individus, ses sujets, devenus consommateurs. Car dans un tel système marqué par la libération des cynismes personnels, gagner plus implique pour le possédant produire plus. Or, tout ce qui est produit, même les biens et services les plus inutiles, doit être consommé pour être rentable.

Ceci explique pourquoi consommation et croissance forment l'axe cardinal de notre civilisation.

Les biais sont évidents :
  • Pour satisfaire les appétits individuels, et par ce moteur même, le système ne cesse de croitre, de s'étendre, de consommer plus pour pouvoir produire plus et gagner plus : au final un emballement de la consommation des ressources naturelles de notre planète qui ne sont pas infinies.
  • Corolaire : la finitude des ressources implique la mise en place de stratégies d'accaparement par les acteurs du marché. Qu'ils soient étatiques (guerres d'Irak, d'Afghanistan) ou privés au sein d'un état (lobbying et corruption pour détourner les lois de protection environnementales, comme pour les gaz de schistes aux USA par exemple, et bientôt en France : accaparement du bien commun qu'est l'environnement par des intérêts privés individuels)
  • L'individu, enfin, pion unitaire du système, est voué au rôle de docile consommateur. Mis au fer du productivisme où il passe de plus en plus de temps malgré les gains techniques de productivité, il reçoit dès le plus jeune âge l'injonction sacrée de consommer. Il produit pour consommer, car il faut qu'il consomme pour que soient produits et rentables les biens et services qu'il acquerra goulument, dans un geste compulsif comme pour compenser la frustration consumériste que les plus de 2000 signaux publicitaires auxquels il est arbitrairement soumis par jour lui instillent constamment.
    Nous.
L'imposition de ce système, depuis les années 70', mène l'humanité à sa perte ou tout du moins à son malheur flagrant (inégalités, faim dans le monde, destruction des écosystèmes, pressurisation de l'humain...). Beaucoup le reconnaissent, y compris dans les salons confortables, nul n'arrive à infléchir la course.

Pour aborder le sujet :
  • (vidéo) Le Travail, pourquoi ? par M. Mondialisation (partie 2/2)
    Un court film en français, 2 fois 15 minutes, qui résume les grands travers de notre société de consommation, qui sont ses principes fondateurs, sous la perspective du travaillisme et ses (non) raisons.
  • (film) De la servitude moderne, par Fean-François Brient
    Film dénonçant également les rouages de la société du spectacle, sur le mode du détournement de Guy Debord, auteur du concept et livre du même nom. Ce film nous jette froidement à la face notre situation d'esclaves modernes qui s'ignorent, consommateur, situation décortiquée méthodiquement et exposée sans concessions.
    On ne saurait trop recommander ce film même s'il vaut mieux s'être posé quelques remises-en-question en amont...
  • (film) Zeitgeist : moving forward, de Peter Joseph (en anglais sous-titré fr - non sous-titré ici)
    "This shit has got to go."
    Je vous laisse faire votre opinion sur le film. Ne pas se laisser rebuter par le départ : sont repris les concepts de base que sont la génétique/épigénétique et déterminisme/relativisme social, avant d'enchainer.
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Plus de développements :
  • (film) L'An 01 (en 9 parties) Doillon/Gébé/Resnais/Rouch - 1973
    Ca n'a pas de sens ? Non ça n'a pas de sens. En effet. Bon ; alors on arrête tout, tous. On se pose ; et on réfléchit. Et puis on voit ce qu'on a besoin de redémarrer. Allez, chiche...
  • (film) In girum imus nocte et consumimur igni (extraits / film entier), Guy Debord
    Le nom du film est un palindrome latin : il se lit dans les deux sens indifféremment. Ce film est antérieur à De la servitude volontaire pointé ci-dessus, tourné par Debord lui-même. Le message passe, mais à mon sens le discours est complexe, comme l'est le livre de l'auteur. Exigeant.
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Pour creuser le sujet :
Article tiré de la page Ce qu'il faut détruire.

6 commentaires:

  1. RATM - Sleep now in the fire

    "I'm deep inside your children,
    They'll betray you in my name !"

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  2. J'aime bien ce billet qui a le mérite de développer un point de vue qu'on entend rarement (et auquel j'adhère). Celui d'une dictature soft ou en tout cas, non avouée. La question étant : comment est-ce qu'on en sort avant qu'il ne soit trop tard ? Je sais bien que tu n'as pas la réponse. Moi non plus. Toutes les théories de la décroissance, les actions militantes, toutes ces choses auxquelles je crois pourtant, tout ça me semble si dérisoire et inopérant...

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  3. Je ne sais pas. C'est peut-être simplement notre nature profonde qui s'exprime ainsi à l'échelle globale.
    Et dans ce cas il n'y aurait rien à faire.
    L'intelligence de l'homme n'est qu'individuelle, il n'a pas atteint le stade où il sera capable de définir son destin à l'échelle sociale.
    Cela va peut-être bien le détruire, lui et son écosystème - simple sélection naturelle.
    Nous verrons.

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  4. « L’acclaire est faire » comme dirait Dupont, libéral par philosophie. Mais comme penserait son frère Dupond : « Pourquoi donner de l’argent aux pauvres, quand il y a tant de riches qui en ont besoin ! »

    Un des Dupon (d ou t) s’inscrirait probablement en faux lorsque vous parlez de : « …..liberté de se planter….. ». Il vous dirait : « pas pour tout le monde mossieur ! Si vous vous appelez GM, Chrysler ou que vous êtes une grande banque, l’État vous sortira du trou (déficit, faillite). Comment les riches pourraient-ils se payer des limousines si on laissait le peuple gaspiller son argent à manger ! Vous oubliez Mossieur la règle non écrite de la libéralisation des profits et de la socialisation du déficit. C’est ma philosophie et je la respecte ! »

    Bravo pour votre texte… plus sérieux que mon commentaire.

    Michel Rolland

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  5. Comme toujours un mot qui est sorti de la bouche de Dupon (d ou t) ne reflétait pas sa pensée, ou... absence de pensée. Il voulait dire privation des profits et non, libéralisation.

    Michel Rolland

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  6. Mais commentaire tout-à-fait juste, effectivement.
    Le "too big to fail", nationalisation des pertes mais privatisation des profits...

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