jeudi 1 décembre 2011

Où va l'Amérique d'Obama ? (critique)

On m'a demandé une critique. Chose rare. Un éditeur de la place m'envoie un exemplaire de ce livre dont le titre est une question qui le restera (je préfère vous prévenir tout de suite) : "Où va l'Amérique d'Obama ?". Naturellement la démarche n'influencera pas le fond de ma critique. Peut-être arrondirais-je les angles en apparence. Nous verrons.

La question restera entière, en effet, après lecture d'un ouvrage qui, par moment, nous bombarde de références historiques sans mise en perspective suffisante, et, par d'autres, nous comble de développements plutôt scolaires étayés par aucune source. Des pistes génériques sont enfin dégagées, mais à l'heure de l’hyper-concentration de la richesse par une minorité qui confisque par suite la démocratie à ses fins, ne pas aborder ce point c'est légitimer le système en l'état.

Entrons dans le dur :

Sur la forme, la couverture affiche un double auteur. Il se présente en effet en deux parties bien distinctes :
  • L'introduction longue d'une bonne trentaine de pages denses d'Alexandre Adler
  • Un développement, très scolaire, d'Hervé de Carmoy
Plutôt que de jeter un jugement global sur l'ouvrage, nous nous sentons obligés de traiter ces deux parties distinctement. Elles sont en effet bien distinctes dans leur forme (ce qui s'entend), leur style (ce qui s'entend aussi) et (ce qui s'entend moins) par l'absence de lien logique apparent ou sous-jacent entre les deux - Un peu en somme comme si les deux compères avaient laissé cours à leur plume puis concaténé leurs écrits, traitant du même sujet, pour justifier l'imprimatur, ou bien sa rentabilité.

D'une manière globale à titre anecdotique, on notera l'absence totale de bibliographie et le faible nombre de notes de bas de page explicatives.

Partie I - Alexandre Adler : écrit de niveau Bac+2

Ce texte court, ramassé et concentré, est digeste comme un gâteau bien trop riche dont les multiples ingrédients auraient été comme jetés dans le moule avec force profusion mais sans aucun liant, sans autre cohérence. Moultes références historiques bombardées à un lecteur qui, A/ soit les connait déjà B/ soit devra tracer le fil, pour ne pas s'y perdre, stylo et calepin à la main, secondé d'une bonne dose de Wikipedia.

Ne serait-ce que ça, ce pourrait être excusable voire enrichissant; là où le bât blesse c'est que cet  amoncellement de faits ne laisse transparaître aucun liant, aucune trame, ne trace aucune "histoire".
Pire encore, peu de lien est fait avec des évènements de nature  géopolitique tel la question de la maîtrise des ressources énergétiques pourtant centrale dans la politique extérieure - et intérieure - des USA.
Peut être encore plus grave, les poncifs usuels de guerre des civilisations (axe du mal, Al Quaida, combat pour imposer la démocratie et le modèle occidental) y sont un postulat non seulement non-questionné mais suivi de facto, hypothèses non déclarées - comment mieux imposer un point de vue subjectif comme objectif ?

Manque de recul ? Ou légitimation volontaire de plus d'un discours régnant déjà bien entendu ?

Partie II - Hervé de Carmoy : dissertation scolaire niveau lycée de bonne tenue

Si la Partie I d'Alexandre Adler propose une stratégie de sortie, le texte d'Hervé de Carmoy semble quant-à lui se contenter d'empiler les lignes. Développement scolaire de points, adossés à aucune source. Mon avis est sans appel : lisez le sommaire pour une liste de sujets sur lesquels vous documenter... ailleurs.

A titre anecdotique, comment peut-on, fin 2011, écrire encore en substance que Barack Obama, président des USA, est "habité par le devoir d'accomplir une grande mutation" ?! Qu'il le fut ou non, la dure histoire des systèmes d'influences politico-économiques nous a rappelés à la dure réalité : Obama n'a pu/su/voulu qu'être le dévôt des puissances de l'argent. Un paragraphe de 15 lignes est consacré à la question des inégalités de richesses et de la confiscation de la démocratie par la gangrène du lobbying.

Concernant le secteur financier, son "osmose" avec le politique, l'auteur se contente de constater sa réticence inébranlable à toute réglementation du secteur. Et d'en invoquer, antienne ultra-libérale, l'éthique et la morale : quelle illusion qui ne convainc plus grand monde. Éthique et morale n'apparaissent pas spontanément dans un système social qui défavorise celui qui en fait montre.

En conclusion, on apprend que c'est l'avènement d'un grand leader charismatique à la présidence qui emporterait son peuple vers une reconstruction de sa grandeur interne (recherche, industries de pointe, innovation, augmentation de la création de richesse...) et ainsi sortir de l'ornière actuelle (on aurait pu prononcer le mot de décadence), pourquoi pas avec l'aide d'une petite guerre qui mobiliserait les énergies. M. De Carmoy, parmi les trois sorties connues des systèmes à hyper-concentration de richesse que sont le retour du féodalisme, la guerre civile et la guerre tout court, envisagerait donc la dernière pour re-répartir la donne ?
Un peu trop lénifiant à mon goût...

S'ensuit une analyse sur le poids des contraintes [...], les lignes de forces [...] pour déboucher sur les moyens de mesurer les progrès [...]. Vous avez dit thèse/antithèse/synthèse ? Des relents nostalgiques de lycée, peut-être ? Vous n'écriviez pas autant - de grâce pour votre prof.


Où va l’Amérique d'Obama ?
Éditions Presses Universitaires de France, coll. Quadrige Essais Débats
Opération organisée par Babelio , bibliothèque virtuelle dans laquelle j'ai mon inventaire ! (je recommande)

Eilema & Ju²

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